Le retour de l’artiste (dé)masqué
Ce texte a été publié dans la revue Convocarte — Revista de Ciências da Arte n.º4. Revista Internacional Digital com Comissão Científica, Editorial e Revisão de Pares Tema do Dossier Temático ARTE E ACTIVISMO POLÍTICO: TEORIAS, PROBLEMÁTICAS E CONCEITOS. Ideia e Coordenação Geral Fernando Rosa Dias.
De la même manière que l’artiste, depuis Duchamp, ne cesse d’arracher objets, pratiques, discours ou documents au monde non-artistique pour, les interrogeant dans le champ de l’art, en reconfigurer non seulement le contour mais aussi le contenu, ses tensions et ses enjeux, ne pourrait-on envisager une traversée du monde de l’art vers le monde politique ? Quel serait l’effet « micropolitique » du travail d’un artiste qui intègre à la sphère artistique une structure de travail qui se veut agissante au niveau « macropolitique » : un cabinet ministériel. Et que fait l’artiste lorsqu’il travaille en politique ? L’art prendrait-il sa revanche, comme un acte manqué (de l’art) qui viendrait révéler à l’artiste son insistance têtue ? Lire l’articleSouveraineté populaire
Ce que la BD fait au récit
Ce texte a été publié dans « Espaces d’interférences narratives ; Art et récit au XXIe siècle » aux Presses universitaires du Midi, sous la direction de Jean ARNAUD.
Bien qu’on ne s’entende guère pour en définir le moment, il semble admis aujourd’hui que la bande dessinée a gagné ses lettres de noblesse. Qualifiée de neuvième art, elle n’en reste pas moins essentiellement populaire. C’est donc un art populaire. Puisque l’artiste, lui, « est souverain, dans le sens fort du mot1 », ne devrions-nous pas nous demander comment la bande dessinée conjoint souveraineté et dimension populaire ? Peut-on parler de souveraineté populaire ?
(Avant-propos) L’ILLUMINATION DE LA VITRINE
L’unique vitrine, bien que seulement entraperçue au bord de mon champ de vision, suspend un instant le flux de mes pensées et l’élan de ma marche. Je m’arrête, moins distraitement que je ne le crus d’abord. L’agencement des livres exposés… Lire la suite
Quand pas encore est déjà
Abstract: En passant de la salle de spectacle à celles du musée le cinéma a inventé une narration différente, non linéaire, puisque ne maitrisant plus la concomitance du début et de la fin du spectacle et du récit. En épousant la forme de ce qu’il évoque, ce texte interroge quelques arrangements avec la linéarité des récits antérieurs ou extérieurs à ce passage : début d’un film, génériques, histoire du cinéma. Ce faisant, cette étude montre que ce qui semble un effet du passage de la salle obscure à la salle claire travaillait et travaille toujours, de nombreux films; le passage évoqué apparaît alors la mise en lumière de ce qui avait toujours été là, ce qui ne doit pas être sans conséquence sur l’appréhension du cinéma en général.(Ce texte a été publié dans le numéro 30 de La Part de l’Œil, Arts plastiques et cinéma ; Mikhaïl Bakhtine et les arts)
…dans l’espoir, me dis-je aujourd’hui, dit Austerlitz, que le temps ne passe pas, ne soit point révolu, que je puisse revenir en arrière et lui courir après, que là-bas tout soit alors comme avant ou plus précisément, que tous les moments existent simultanément, auquel cas rien de ce que raconte l’histoire ne serait vrai, rien de ce qui s’est produit ne s’est encore produit mais au contraire se produit juste à l’instant où nous le pensons, ce qui, d’un autre côté ouvre naturellement sur la perspective désespérante d’une détresse perpétuelle et d’un tourment sans fin.
W. G. Sebald
Amorce
(Souvenons-nous de l’amorce, cette bande de pellicule ajoutée avant le début du film pour en faciliter la manipulation et permettre de l’accrocher au système d’entrainement du projecteur de cinéma. Sans cette part ajoutée pour ne pas être projetée, il n’aurait pas été possible de montrer une première image du film.)
Donc il y aurait un début. Il y en a eu un. Ou il y en aurait eu un parce que cette amorce est déjà passée. On oublie que la couverture a d’abord été regardée, distraitement peut-être, que le titre a été lu, l’éditeur reconnu, que la revue a été saisie, retournée, feuilletée peut-être. Les yeux…Lire la suite
le droit dans les rets de l’art
Je dois d’abord m’excuser pour ce titre qui de toute évidence pose plus question qu’il n’indique, ne fait miroiter, l’objet de cette prise de parole. On ne voit pas ce que ça veut dire. On m’a même demandé si je ne m’étais pas trompé de sens. N’était-ce pas plutôt « l’art dans les rets du droit qu’il eu fallut écrire » ? Ainsi, entre l’art et le droit, il y aurait un chasseur et un gibier, et la question qui affleure serait de savoir qui des deux tient le filet ? A cette métaphore cynégétique, je préfère me référer à l’utilisation la plus fréquente de « rets » en poésie classique : le mot y évoque l’attraction amoureuse. Et c’est plutôt de cette sorte d’attraction dont je voudrais parler, car on peut espérer, en amour, ne jamais savoir, qui attrape l’autre. J’espère qu’il en sera de même ici. Si le filet reste, ce sera plutôt pour en parcourir les mailles, et de maille en maille s’en amuser. La pensée commune tend à séparer radicalement l’art et le droit, comme s’ils étaient l’inverse l’un de l’autre. On pense un peu rapidement, que le droit est du côté des règles et de leur respect alors que l’art est du côté de la liberté, de la création voire de la transgression. Certes, on peut… Lire la suiteEn son absence
Texte d’une conférence prononcée à l’université d’Aix en Provence en mars 2012 suite à l’invitation de Fabien Faure.
Cet exercice, qui consiste à présenter son propre travail, mais en son absence est un peu étrange.. Présence et absence ne s’excluent-ils pas ? La question de la présentation du travail artistique est une question essentielle… mais en son absence ? L’exposition verbale et l’exposition plastique ne sont pas aussi proche que l’utilisation du même signifiant pourrait laisser supposer. Qu’un artiste commente son travail en sa présence permet de se tenir au plus près du faire, au plus près de la perception, au plus près du fonctionnement. Ce sont les oeuvres, le passage d’une oeuvre à l’autre qui organiseront, la trame de l’intervention. Mais ici… Il me semble que quelque chose ne va pas de soi dans cet exercice de présentation : c’est qu’il faut en faire une histoire, un récit. Or, plutôt qu’une histoire, le travail artistique me semble plutôt s’apparenter à un événement, ou plutôt à une série d’événements. (peut-être s’agit-il de micro-événements, j’en conviens). C’est-à-dire quelque chose qui n’a « aucune préexistence naturelle ». «Les événements sont des singularités irréductibles, des « hors-la-loi » des situations » dit Badiou (Badiou, l’éthique, nous, Caen,2003, p 64). En faire une histoire, les mettre en récit, c’est faire l’impasse sur cet aspect « hors-la-loi », c’est créer de la continuité, inventer un fil là où il n’y en avait pas, où il n’y en a jamais eu. Le travail artistique n’est pas une histoire. Il a une forme, plusieurs même, et parfois il prend forme d’histoires, mais il n’en est pas une. Le manque produit par l’absence des oeuvres est comblé par la fiction du fil de l’exposé, quelque chose qui fera que vous pourrez suivre ce que je vais raconter sans trop décrocher et penser à mille autres choses : quelque chose qui fait récit…. Lire la suiteCadre
texte publié dans le catalogue de l’exposition « drawing in an expanded field », (2011)
La manière dont le texte, essentiellement juridique, et ses montages fictionnels, agissent sur notre rapport non seulement au réel, mais aussi à l’image et à l’art est une question qui mérite à mon sens plus qu’un intérêt: une mise en forme. Certains textes tentent de fonder juridiquement une image. Le drapeau par exemple. Il s’agit évidemment d’un objet symbolique, qui s’origine d’une histoire, mais aussi d’un texte de lois le décrivant, et, souvent, précisant ses usages. Pourtant, malgré la rigueur des descriptions et la force contraignante de la loi, le drapeau n’est pas la simple combinaison des formes géométriques et des couleurs qui y sont défi nies. Il est une étoffe qui ne se déploie que sous l’effet du vent. C’est le vent qui le fait voir. Et le vent, le souffl e, n’est pas passé dans l’énoncé de la loi… Lire la suiteL’ordre de Bologne
Texte sur l’enseignement supérieur artistique paru dans l’art même n° 45, 4e trimestre 2009.
Après avoir été siennois, florentin, vénitien, viennois ou parisien, l’art devient-il bolognais ? S’il faut poser la question de l’enseignement de l’art depuis une position juridique, en s’interrogeant sur l’effet des textes législatifs qui le régissent, il faudrait y inclure la question, plus vaste, de la relation entre l’art et le droit, de ce que l’art doit au droit et à ses fictions. La dette historique des artistes envers le droit est, depuis les travaux d’Ernst Kantorowicz, bien connue et les travaux de Judith Ickowicz montrent l’utilisation récente par les artistes des possibilités offertes par les fictions juridiques. Duchamp en est un exemple. Entre l’art et le droit il y a une circulation possible des places et des concepts qu’il faudrait sans doute préciser davantage. Surtout, il ne faudrait pas ne voir dans le droit que son aspect prescriptif… Lire la suiteLe comité d’experts
Ce texte a été écrit dans le cadre d’une publication de 2007 relative au 101e% initié par Carine Potvin. Qu’aujourd’hui il n’y ait plus d’Administration publique qui ne travaille sans l’aval d’une commission, d’un conseil, d’un comité d’experts qui lui soit extérieur, nul ne s’en étonne. Pourtant, que ce recours soit systématique mérite qu’on s’y attarde. En posant ainsi les experts, donc l’expertise, en dehors de l’Administration publique, et ce, particulièrement en regard de l’art, on accrédite, sans l’étayer, une double séparation : celle de l’Administration et de l’expertise d’une part, celle de l’art et du public d’autre part. Il s’agit d’idées communes. Elles semblent même séduisantes. Elles proposent un modèle où les mondes se distinguent sans se recouvrir, où les limites sont étanches. Chaque monde (celui de l’administration ou celui de l’art) se distinguant, s’opposant au reste du …Lire la suiteL’expérience de l’exposition
Texte rédigé à l’occasion de l’exposition Tirant d’air à la MAAC, en 2007
L’exposition « Tirant d’air » que la MAAC propose cet automne présente, pour une grande part, les mêmes travaux que ceux qui constituaient l’exposition du même nom accueillie par le CAC PASSAGES de Troyes au printemps. Initialement, il s’agissait pour moi, un peu naïvement sans doute, de proposer la même exposition ; de rendre ces travaux publics à Bruxelles également, de faire en sorte que les amis qui n’avaient pu faire le voyage puissent les éprouver. Bien sûr, l’espace étant différent, je savais que l’exposition le serait également. De plus, un mur de briques peintes en blanc dans la grande salle de la MAAC m’intéressait beaucoup. Il me permettait de réaliser une installation qui me tenait à cœur et qui nécessite une projection sur un tel mur. Cette installation n’avait pas sa place à Troyes. Mais, malgré ces différences, il me semblait qu’il s’agirait de l’exposition des mêmes travaux. Le DVD édité conjointement par le CAC Passages et par la MAAC, et qui en est une forme de catalogue, en témoigne…. Lire la suiteTirant d’air
à propos de l’exposition « tirant d’air » au centre d’art contemporain « passages » de Troyes (2007)
De bric et de broc, ruinons le pro-jet.
Texte d’une conférence prononcée au centre culturel de Boitsfort à l’occasion d’une journée d’étude autour de la bricole.
Lorsqu’on m’a demandé si je voulais intervenir dans le cadre de cette réflexion sur le bricolage, j’ai d’emblée accepté, sans trop y réfléchir, en me disant que le bricolage m’avait suffisamment intéressé dans ma vie, ou plutôt que je m’y étais suffisamment consacré, que j’avais passé assez de temps à bricoler pour que je puisse tenter d’en dire quelque chose. Au moins de m’en dire quelque chose. (M’en dire, mentir). J’y repensais. Mais bon, je n’allais quand même pas vous raconter mon enfance, mon père qui trouvait qu’un marteau, des clous et quelques planches valaient tous les jouets du monde parce que, contrairement aux jouets, leur utilisation, les possibilités que ces éléments recelaient, étaient sans fin… Quoique, il y aurait peut-être à dire de ce « valoir tout ». Habitant à côté d’une scierie, le bois, les déchets de planches, étaient accessibles sans difficulté. Le marteau ne s’achetait qu’une fois. Les seuls consommables à acheter étaient les clous. Et l’on sait ce que ça vaut : « des clous » : ça ne vaut pas un clou. Pour mon père donc, tous les jouets du monde ne valaient pas ce qui en tant que tel ne valait rien, mais ne valait que par son potentiel, par l’action qu’il permettait, par une mise en œuvre. Bricolage donc…lire la suite]]>