2020 échoué n’est pas coulé

L’exposition fait partie du projet échoué n’est pas coulé.

Elle comprend :

  • une vidéo qui évoque les 3 moments importants du Community Center, en pointant les étonnantes répétitions;
  • une maquette en béton à l’image du bâtiment décomposé;
  • des feuilles de papier imprimées fichée sur un pied formé d’une barre à béton tordue — les textes imprimés sont la retranscription de partie d’entretien réalisé avec différents protagonistes impliqués d’une manière ou d’une autre dans la vie du bâtiment;
  • d’une série d’images imprimées dans lesquelles l’artiste se photographie à l’intérieur du Community Center abandonné de Courtens, en tenant devant lui une image de la Villa Empain restaurée de Polak.

La Présidente de la société d’histoire de Sainte Marguerite-du-Lac-Masson et d’Estérel

Le domaine d’Estérel est à comprendre comme l’embryon d’un projet beaucoup plus vaste s’apparentant à une entreprise coloniale. Empain voulait faire venir des agriculteurs belges. Il a créé une résidence pour agriculteurs à Oka, afin d’acclimater cultures, méthodes et agriculteurs. Un jardin de Québec porte le nom d’un horticulteur belge qui est resté au Canada. Les fleurs qui décoraient le centre communautaire venaient directement d’Oka.
Dans les années 30, la région ayant été colonisée tardivement à cause de la rudesse de son climat, les habitants de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson étaient encore des fils et des filles des pionniers. Le pays était très pauvre. Le projet d’Empain apparut comme une véritable opportunité économique.
La région était pauvre, mais bénéficiait d’une richesse dont les villes ne pouvaient se prévaloir : la pureté de l’air. C’est ce qui a retenu le Baron Empain.

L e Maire de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson de 1973 à 1981

Lorsque j’ai été élu Maire de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, il n’y avait pas de Mairie. Le Conseil municipal se réunissait dans une école. Mais à la fin des années 70, la commission scolaire demanda au Conseil de mettre fin à cette situation.
Jouxtant le lac, un grand entrepôt de béton armé dans lequel les bateaux passaient l’hiver, posait problème à son propriétaire. Les taxes foncières étaient plus élevées que les revenus engendrés par le bâtiment. Le propriétaire souhaitait s’en débarrasser. Mais le devis que lui adressa l’entreprise de démolition se révéla prohibitif : 112 000 dollars.
Je lui ai proposé de le céder gratuitement à la Municipalité. Il refusa, mais accepta de le vendre pour 80 000 dollars. La municipalité contracta un emprunt de 250 000 dollars pour l’achat et la rénovation de ce qui allait devenir la mairie et le centre culturel de Sainte-Marguerite.
L’emprunt était important, aussi, un registre a été ouvert afin de déterminer si la population souhaitait soumettre la question au scrutin référendaire. 256 signatures de propriétaires étaient nécessaires pour la tenue du référendum. Le 2 décembre 1978, jour fixé pour cette procédure, une tempête de neige s’est déchaînée sur la région. Seules 240 personnes se sont déplacées. Il n’était donc pas nécessaire d’organiser le référendum et la transaction pu donc avoir lieu.
Le Conseil était divisé quant à l’opportunité de cet achat. Trois conseillers y étaient opposés, les trois autres y étaient favorables. Ma voix était donc déterminante, ce qui m’ennuyait.
Pour moi ce projet devait rassembler la population et ne pas trop grever les finances de la municipalité. Plus de 200 citoyennes et citoyens ont travaillé bénévolement à la rénovation du bâtiment. Les enfants des citoyens qui avaient, quarante ans plus tôt, été recrutés pour construire ce lieu destiné à une population privilégiée ont travaillé bénévolement à sa rénovation pour en faire leur mairie et leur centre communautaire. Je ne peux pas énumérer toutes les fêtes et manifestations que nous y avons organisées. C’était magnifique.

vue de l'exposition

L’architecte, de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, ancien Président de la société d’histoire

Je connais bien le Centre communautaire. Lorsque la mairie y était installée, j’y avais mes bureaux. En tant qu’architecte, j’ai dirigé les travaux de réfection de l’enveloppe de l’Hôtel de la Pointe Bleue également réalisé par Antoine Courtens à la même époque. En 2008, le Maire Charbonneau m’avait confié une étude du Centre communautaire afin de savoir ce qu’il était possible et nécessaire d’en faire. Ce travail m’a donné une idée précise des qualités et des défauts du bâtiment.
Cette connaissance d’une partie importante de l’histoire de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson m’a porté à la présidence de sa Société d’histoire. 
Lorsque la Ville, lance un appel d’intentions pour définir l’avenir du site et du bâtiment, c’est avec la Société d’histoire que je conçois en quelques semaines un projet consistant à remettre le bâtiment dans son aspect initial afin qu’il continue à jouer son rôle de lieu de rassemblement communautaire. Le montage financier repose sur un modèle d’économie sociale. La ville serait restée dans le bâtiment en tant que locataire.
Le jury réuni par la Municipalité n’a pas retenu notre projet. Je regrette qu’il n’y ait pas eu de rencontre avec le jury, pas de discussion, pas d’argumentation. Il est très facile de dire que le projet n’était pas solide parce que la Société d’histoire qui le portait n’avait pas l’argent nécessaire dans ses poches. Mais alors pourquoi m’interdire de communiquer sur le projet, pourquoi m’adresser une mise en demeure me contraignant au silence ? 
Pour moi, le tout semblait louche. L’appel d’intentions n’était pas vraiment ouvert. Que la Mairesse signe seule l’acte de vente du bâtiment, pour une somme dérisoire, à une semaine de l’élection qu’elle va perdre en est, si pas la preuve, au moins la présomption.

Echoué n’est pas coulé, exposition,
Occurrence, espace d’art et d’essais contemporains,
5455 De Gaspé, Montréal, Québec

Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. Du 16 janvier au 29 février 2020. Exposition co-produite par l’espace d’art et d’essai contemporains Occurence, à Montréal.


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