in Revue Focales n°9, 2025, L’édition photographique contemporaine.
Textes de Danièle Méaux et Julie Noirot, Lydia Echeverria, Alexander Streitberger, Julie Meyer, Thaïva Ouaki, Iñaki Ponce Nazabal, Matt Johnston, Pascal Krajewski, Julie Martin, Bruno Goosse, Angèle Ferrere, Claude Reichler, Jean-Luc Senez, Géraldine Sfez
S’interroger sur l’édition photographique se présente comme l’occasion d’interroger a posteriori le rapport que mon travail artistique entretient avec elle. Mes recherches conduisent à des expositions et parfois à des livres. Même réalisé avec le matériel qui a servi à l’exposition, l’édition correspond à une autre forme du travail. Doit-on considérer le livre comme un objet second, qui vient après-coup ? Quels sont les éléments qui rendent le livre sinon nécessaire, du moins souhaitable ?
Je ne suis pas un spécialiste du livre de photographie. Je ne suis pas non plus un spécialiste de la photographie. Je ne me qualifie d’ailleurs pas de photographe, bien qu’il m’arrive de faire des photographies et de les montrer. Ce qui compte pour moi, ce sont les rapports, les rapprochements, les comparaisons. S’il y a des photographies dans mon travail, c’est pour qu’elles établissent des rapports ou parce qu’elles sont susceptibles d’établir des rapports, entre elles, ou avec des objets, des textes, des documents, dans un espace. La photographie est donc toujours construite pour être mise en tension avec autre chose. Il n’y a là rien de très audacieux, ni de novateur. À tel point qu’un visiteur, qui m’a semblé quelque peu distrait, a considéré que Deckchair, présenté dans l’exposition Rearranging the deck chairs1, n’était qu’une piètre imitation de One and three chairs de Joseph Kosuth (1965).
En combinant une définition issue d’un dictionnaire (d’un livre donc), une photographie et un objet réel, Deckchair me semble pourtant idéal pour introduire la question de l’édition photographique, du livre en tant que demeure naturelle de l’image reproductible. Comme dans l’œuvre emblématique de Kosuth, une photographie frontale d’une chaise (longue) en noir et blanc est associée à une définition de l’objet photographié inscrite à même le mur en respectant les codes typographiques de certains dictionnaires.
CHAISE LONGUE (V. Transatlantique) ♦ 2° n. m. (1933). Un transatlantique, fam. TRANSAT, chaise longue, fauteuil pliant dont une seule bande de tissu forme le dossier et l’assise, d’abord en usage sur les ponts des paquebots, employés ensuite sur les plages, les terrasses, dans les jardins.
« Rearranging the deck chairs » est une expression populaire qui signifie que les choses n’ont changé qu’en apparence.
La chaise longue n’est pas aussi anonyme que la chaise. Son nom « transatlantique » ou « deck chair » a survécu aux modifications de son usage. Il y a longtemps que ce ne sont plus des paquebots qui permettent de traverser l’Atlantique. Mais le nom de cette première utilisation est resté en vigueur. Qu’un objet utilitaire comme le transat survive à la disparition de son utilisation première m’intéresse. Souvent, un artefact utilitaire disparaît lorsque l’usage pour lequel il a été créé se modifie.